Films

« Mignonnes », Maïmouna Doucouré #César2021

France, août 2020 | Comédie, drame

Réalisé par Maïmouna Doucouré avec Fathia Youssouf, Médina El Aidi-Azouni, Maïmouna Gueye

Résumé : Amy, 11 ans, rencontre un groupe de danseuses appelé : « Les Mignonnes ». Fascinée, elle s’initie à une danse sensuelle, dans l’espoir d’intégrer leur bande et de fuir un bouleversement familial..

Bien loin de l’idée que s’en font nos amis d’outre-atlantique (soit disant garants de valeurs morales et paradoxalement promoteurs d’un modèle culturel instagrammable), « Mignonnes » est une œuvre touchante, profondément travaillée, frôlant le sublime et surtout au service d’un message actuel et nécessaire. La réalisatrice Maïmouna Doucouré, avait déjà touché la critique, par son regard posé sur la polygamie à travers le personnage d’une jeune fille avec le court-métrage « Maman(s) » qui lui a valu un césar en 2017. En 2020, elle s’ouvre à nouveau au public en traitant de plusieurs sujets, tout aussi intimes. 

Oubliez les extraits décontextualisés, les mauvaises affiches (où l’on imaginera une réunion marketing Netflix qui juge pertinent de satisfaire les adeptes des concours de mini-miss) car ce long-métrage est large de plusieurs thématiques qui peuvent chacune, à condition de s’ouvrir l’esprit un minimum, faire écho à notre humanité, nos instincts parentaux ou encore nos rapports à l’identité. Car « Mignonnes », aussi jeunes et « cuties » soient-elles, parlent de nous, de notre société, de nos enfants et de ce qui est devenu quotidiennement banal mais tellement déterminant. Dans un équilibre scénaristique, le film dégage des sujets tels que : les phénomènes de mode, le passage à l’adolescence, la prise de conscience de son corps, que signifie être une femme aujourd’hui, faire parti d’un groupe, l’éducation, la culture que l’on hérite, la religion ou encore les relations mère-fille. 


Le film nous fait suivre le parcours d’une pré-adolescente, Amy (Aminata) à la double culture française et sénégalaise, qui remet en question son éducation, découvre son corps et ses propres limites, dans une réalisation qui ne laisse rien au hasard, et qui devient un véritable tremplin pour ces jeunes actrices. Pour nous transmettre l’authenticité de son propos, Maïmouna Doucouré n’a pas fait les choses à moitié : pour choisir celle qui incarne le personnage d’Amy, il aura fallu découvrir par moins de 700 jeunes filles lors de castings sauvages. Un travail important mais justement récompensé par Fathia Youssouf qui s’approprie à la perfection ce rôle de jeune fille réservée en recherche de sa place, désillusionnée au bord de la rébellion. Elle intègre une bande de 4 danseuses âgées de 11 ans ; toutes incarnent un message fort et réaliste dans un méli-mélo d’émotions qui nous fait passer du rire aux larmes et vice-versa.


Dans un scénario qui sait avec brillance se focaliser sur la femme (on notera l’absence quasi-totale de personnage masculin) qu’elle soit petite fille, mère ou épouse, des scènes bien proportionnées créent le malaise chez le spectateur ; un sentiment d’inconfort du fait d’observer des chorégraphies aux pas langoureux et hypersexualisés, exécutés par des gamines de 11 ans. Des images qui mettent en critique la normalisation des contenus qui nous entourent et de manière plus large sur le contexte sociétal réel entretenu par l’accès aux réseaux sociaux chez les plus jeunes et le manque d’information sur les effets inoculés dans leur psychologie encore en construction. La voilà la réalité !


La mise en scène dans sa simplicité fait jaillir des sentiments qui touchent et permettent une vraie compréhension des personnages et de leur comportement. Ce qui est important de capter, c’est la notion d’évolution et de communication entre les personnages. Mais il y a aussi l’idée d’une réelle désillusion sur le regard que pose un enfant sur ses parents et plus précisément sur les douleurs du cœur que les femmes supportent. Cette brisure métaphorisée par une robe traditionnelle est fondamentale car c’est le rejet même des traditions et des incompréhensions qui amènent le personnage à se dévoiler au sein d’un groupe et d’une manière totalement opposée à son éducation. Une provocation qui n’est qu’un cri de détresse si on sait tendre l’oreille et ouvrir les yeux.

Prendre de la hauteur est une belle manière de conclure ce film loin d’être pessimiste. « Mignonnes » est complet et sans aucun doute une belle réussite. Avec une grande place pour l’humour et l’émotion, il ne cesse de questionner. S’il faut savoir lire entre les lignes pour comprendre l’essence même des messages passés dans ce film, il doit et peut être vu par tous les types de publics. Il ne suffit pas d’une simple image pour en parler (coucou Netflix), il faut le voir pour le saisir pleinement.


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